Dr Emmanuel BENSIGNOR
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Les puces

  

Les puces sont incontestablement au premier rang des ectoparasites rencontrés chez le chien. Ces insectes sont responsables de l'apparition de diverses maladies de peau. Les connaissances sur la biologie de la puce n'ont pas cessé d'augmenter ces dernières années, ce qui permet de mieux comprendre comment contrôler les différentes étapes de leur infestation et augmente donc l'efficacité de la lutte antiparasitaire, au grand bénéfice de nos compagnons.

Effets néfastes de l’infestation par les puces

Un parasitisme à l'origine d'effets variés
Le parasitisme des puces est à l’origine d’effets directs et d’effets indirects. Les puces peuvent transmettre certains parasites intestinaux, dont le taenia Dipylidium caninum, des rickettsies, les agents de la borréliose ou Maladie de Lyme... En outre, en cas de parasitisme massif, la consommation sanguine des puces peut être très importante, à l’origine d’anémie, voire même de la mort de certains animaux.

Sur un plan dermatologique, on distingue la pulicose de la dermatite par allergie aux piqûres de puces, communément appelée par les vétérinaires « DAPP ». La pulicose est une  infestation par des puces, qui provoque des démangeaisons modérées dues aux piqûres. Elle doit surtout susciter un réflexe d’hygiène afin de se débarrasser des parasites. La DAPP est responsable de démangeaisons violentes. Son mécanisme d’apparition est complexe et fait intervenir des réactions d’hypersensibilité (« allergie ») vis à vis de substances présentes dans la salive de l’insecte et injectées dans la peau lors du repas de sang. Dans ce cas de figure, si l’animal est allergique, une infestation même minime peut être à l’origine de lésions dermatologiques parfois spectaculaires, secondaires aux démangeaisons intenses. Il ne faut pas oublier que le léchage, le grattage, les mordillements sont autant de signes de démangeaisons chez le chien. Certains faits importants sont aujourd’hui bien établis : tous les chiens peuvent développer une dermatite par allergie aux piqûres de puces, mais les animaux à terrain allergique la développent plus fréquemment. Une exposition intermittente aux puces favorise l’apparition d’une DAPP, alors qu’une exposition permanente la retarde. Contrairement à ce qui est observé dans d’autres espèces, lorsque la dermatose est déclenchée, il n’existe pas de guérison spontanée. Les animaux atteints présentent des lésions localisées surtout au niveau du dos et à la base de la queue (ces sites sont peut-être ceux où les puces piquent préférentiellement). On observe initialement des lésions peu spécifiques: rougeurs, rares boutons. Rapidement, le grattage provoque des modifications de la peau (excoriations ou croûtes, squames, chute des poils, plaies...) très vite infectées.

Savoir reconnaître les puces
La mise en évidence des puces adultes est souvent facile, sauf lorsque l’animal est peu infesté. Dans ce cas de figure, le recours à un peigne à fines dents (peigne à puces) est utile. Il faut également savoir reconnaître les excréments de puces, témoins du parasitisme. Il s’agit de petites déjections, en virgule, noirâtres. Sur un buvard humide, elles fondent en laissant des traces rougeâtres qui correspondent à du sang non digéré.

Cycle de développement de Ctenocephalides felis

En Europe, la puce du chat, Ctenocephalides felis, est le principal parasite du chien (et du chat!). Beaucoup plus rarement, on peut rencontrer Ctenocephalides canis, la puce du chien, et Pulex irritans, la puce de l’homme, ou Archeopsylla erinacei, la puce du hérisson. Nous nous contenterons ici de parler du cycle de Ctenocephalides felis.
Les puces adultes sont des parasites obligatoires: c’est à dire que la survie des adultes et leur reproduction ne sont pas possibles sans apport régulier de sang. Cependant, de longues périodes de jeûne sont possibles si aucun hôte n’est disponible.
Ctenocephalides felis est un parasite peu spécifique: elle se nourrit préférentiellement sur le chat ou le chien, mais peut aussi piquer le lapin ou l’homme... C’est un parasite temporaire: les puces adultes vivent assez longtemps sur l’hôte (en moyenne 15 à 45 jours, parfois plusieurs mois). Elles sont rarement présentes dans le milieu extérieur et quittent un sujet pour en gagner un autre. Leur présence sur un animal dépend des possibilités de réaction et de défense de celui-ci. Ainsi, un chien qui se gratte et se mord avale les parasites ou les expulse de sa fourrure. On parle de parasites sédentaires, pour traduire leur tendance à séjourner chez l’hôte nourricier alors qu’elles sont trouvées en permanence dans l’environnement.
En plus des adultes, il existe des oeufs et des larves, présents dans le milieu extérieur. La ponte a surtout lieu dans le pelage de l’animal. Les oeufs, non adhérents, chutent sur le sol où ils se transforment en larves apodes, qui craignent la lumière et préfèrent s’enfoncer dans le sol. Les larves se localisent dans les zones obscures, abritées, comme les plinthes, les moquettes, les tapis... Après quelques jours d ’évolution, elles se transforment en nymphes, qui tissent un cocon: c’est la métamorphose. Ce phénomène dure 1 à 3 semaines. Le cocon est le véritable stade de résistance de la puce, car l’insecte y est insensible aux conditions extérieures, ne se nourrit pas et présente un métabolisme très réduit. Après la métamorphose, l’éclosion des adultes a lieu très rapidement lorsque certains stimuli extérieurs apparaissent : par exemple des vibrations, le dégagement de gaz carbonique, la chaleur... C’est pourquoi de très nombreuses puces peuvent émerger de leur cocon simultanément lorsqu’un individu pénètre dans une maison qui n’est pas régulièrement habitée, comme par exemple à l'arrivée dans une maison de vacances. Une fois émergées, les puces doivent trouver rapidement un hôte nourricier, sinon elles meurent. La recherche de l’hôte se fait de façon active. Grâce à leur grande capacité au saut, les puces peuvent atteindre un individu à distance et passer de l’un à l’autre si leur repas est interrompu. La piqûre de l’hôte nécessite de multiples essais. Le mécanisme de l’absorption du sang est complexe, mais rapide (quelques minutes). La ponte dépend directement du repas sanguin.

Des réservoirs d'insectes dans l'environnement
En règle générale, on considère que pour 1 puce adulte présente sur l’animal, il existe 99 puces sous forme immature présentes dans l’environnement sous forme d’oeuf (25%), de larve (50%) ou de cocon (25%).

La lutte insecticide doit donc être menée entièrement en relation avec ce cycle de développement particulier: il est nécessaire d’éliminer les puces du chien parasité, mais aussi et surtout celles présentes dans l’environnement.

Bien mener la lutte contre les puces

Quel est le but recherché?
En fonction des nuisances créées par les puces, le protocole de lutte sera différent. Ainsi, lorsque le but est simplement de réduire l’infestation, il est possible de se contenter d’une lutte adulticide sur l’animal. Si, à l’extrême opposé, le chien est atteint de dermatite par allergie aux piqûres de puces, il est alors obligatoire de réaliser un contrôle insecticide beaucoup plus strict.
Le produit idéal doit être rémanent (c’est à dire persister longtemps sur l’animal, pour éviter des applications trop fréquentes et rapidement fastidieuses), répulsif et instantané (les puces doivent mourir le plus rapidement possible).

Quelle molécule et quelle présentation choisir?
De nombreuses molécules sous diverses présentations sont disponibles. A l’heure actuelle, les colliers sont un peu passés de mode. Leur efficacité est médiocre, moyenne ou assez bonne en fonction de l’insecticide qu’ils contiennent et des propriétés de l’excipient. Les lotions sont utiles mais d’utilisation contraignante, car elles nécessitent des applications répétées, sont souvent d’odeur désagréable et peuvent ternir le pelage. Les sprays sont intéressants, car ils sont assez pratiques d’utilisation. En revanche, ils peuvent effrayer les animaux et sont assez onéreux. La mode est indéniablement aux pump-sprays et aux produits qui diffusent spontanément sur la surface cutanée ou qui pénètrent dans l'organisme après la simple application d’une dose sur un point ou sur une zone du corps de l’animal : les « spot-on » et les « pour-on ». Les produits administrés par voie orale peuvent également être intéressants pour réduire une infestation. Leur grand intérêt réside dans la facilité de traitement. Cependant, la piqûre est alors inévitable, car l’insecte doit piquer pour entrer en contact avec l’insecticide qui est présent dans le sang du chien.

Les produits doivent être adaptés au cas par cas
La lutte contre les puces est difficile et il n’existe pas de produit idéal. Le choix de la meilleure formulation devra être fait en fonction de critères raciaux, individuels et financiers. Il faudra tenir compte de l’âge (les jeunes animaux sont très sensibles à la toxicité des insecticides), de la longueur du poil, de la densité du pelage, de l’utilisation concomitante de shampooings qui éliminent les principes actifs.

Faut-il traiter l'environnement?
Le traitement de l’environnement doit être soigné, puisque l’essentiel du cycle de la puce s’y déroule: une bonne connaissance des lieux de développement des formes immatures est souhaitable pour choisir les produits de lutte les plus efficaces. Il faut donc répertorier attentivement les caractéristiques des endroits dans lesquels évolue l’animal (carrelage, moquette, herbe...) et les lieux où celui-ci est susceptible de séjourner, même un instant bref (chenil, voiture, bureau, cave, garage...).
Le premier pas pour la lutte contre les puces dans l'environnement est le passage de l'aspirateur. Ceci permet d'éliminer une proportion non négligeable des oeufs, des larves et des cocons.  Il est également souhaitable d’utiliser une association d’insecticides et d’inhibiteurs de croissance des insectes. En effet ce type d’association est la solution idéale pour intervenir à la fois sur les stades immatures (oeufs et larves) et sur les adultes. Les inhibiteurs de croissance sont soit des substances qui empêchent le bon déroulement des stades larvaires (analogues de l’hormone juvénile), soit des substances qui bloquent le développement des larves (inhibiteurs de synthèse de la chitine), soit d’autres substances déshydratantes et paralysantes.
On aura recours alors à des sprays, pump-sprays, diffuseurs et mini-diffuseurs, ou à des foggers. On peut également traiter directement l’animal avec ces types de produits (associations d’adulticides et d’inhibiteurs de l’hormone de croissance) en utilisant des pump-sprays ou des comprimés administrés par voie orale.

En conclusion, la lutte contre les puces doit avant tout passer par un traitement adulticide sur l’animal, mais il est particulièrement intéressant de lui associer un traitement de l’environnement, dans lequel les inhibiteurs de croissance des insectes présentent de grands avantages. En particulier, ce type de traitement est obligatoire en cas de dermatite par allergie aux piqûres de puces chez le chien. On peut distinguer des cas simples (animaux peu nombreux, environnement facile à traiter) et des cas complexes (collectivité de chiens à poils longs, en contact avec des chats, sur des surfaces étendues...). Dans tous les cas, le traitement insecticide devra être adapté au cas par cas pour pouvoir être efficace et éviter les désillusions.